Le barreau du Tchad rencontre d’importantes difficultés sur lesquelles il a attiré l’attention de la Conférence Internationale des Barreaux de tradition juridique commune (CIB) et du Conseil national des barreaux et qui justifient qu’une aide lui soit apportée. Le CNB s'est donc rendu à N’DJAMENA au mois de novembre 2016.
Ces difficultés sont notamment les suivantes
1- Le barreau est exclusivement francophone. Le pouvoir semble vouloir ostraciser le barreau et nomme à la tête des institutions judiciaires des responsables arabophones avec lesquels le barreau est incapable de communiquer
2- Les décisions rendues en matière disciplinaire sont systématiquement réformées, afin, semble-t-il, d’affaiblir le barreau, en maintenant en son sein les avocats radiés pour des motifs pourtant légitimes. On reproche aux avocats de ne pas sanctionner les avocats indélicats, mais lorsqu’il prononce des sanctions, la Cour d’Appel annule les décisions rendues
3- Les relations avec la magistrature sont très difficiles, le barreau n’est absolument pas considéré comme un partenaire judiciaire légitime
4- Les avocats connaissent de très grandes difficultés financières. Ils se sentent très isolés. Les besoins de formation sont importants.
5- Les libertés fondamentales font l’objet d’intolérables violations que le barreau ne semble pas toujours en mesure de dénoncer en raison notamment d’une absence totale d’aide légale….)
6- Le barreau n’a pas la maîtrise du tableau
Des rencontres de haut niveau ont été organisées pendant le séjour par le bâtonnier, notamment avec l’Ambassadeur de France, le Premier ministre, les magistrats de la Cour Suprême, les représentants de l’Union Européenne….
Les avocats rencontrés sur place ont confirmé les difficultés rencontrées et le mépris dans lequel le barreau est tenu par les autorités nationales et les magistrats. Un appui international leur semble indispensable. Les avocats sont d’ailleurs très attachés à la francophonie. L’accès à la profession exige une licence en droit, un stage de deux ans et un examen à l’issue du stage, organisé par le barreau, l’université et la cour d’appel. (Deux examens par an, une dizaine de candidats à chaque examen, 90% de taux de réussite) . Le stage n’est pas rémunéré mais dans la pratique les maîtres de stage versent une petite indemnité. A l’issue de l’examen l’avocat peut s’installer.
Le barreau est francophone, tous les codes sont rédigés en français. Une école de formation a été créée, censée former les juges, greffiers, notaires, avocats. L’école de formation de la magistrature a été supprimée.
Des avocats sont menacés ou agressés dans l’exercice de leurs fonctions, tout comme d’ailleurs certains magistrats.
Le barreau est aujourd’hui le seul rempart face aux atteintes portées aux libertés individuelles, car la plupart des magistrats sont inféodés.
Il est, dans ces conditions, difficile pour le barreau tchadien de faire face à une situation carcérale endémique. Les détenus, dont nul ne connaît le nombre, s’entassent dans des prisons surpeuplées. Les registres ne sont pas tenus à jour et l'on ignore les motifs de détention de la plupart des prisonniers qui attendent dans les conditions qu’on peut imaginer un improbable dénouement à leur situation désolante.
Il ne fait pas de doute qu’une attention toute particulière doit être portée aux avocats tchadiens, qui exercent leurs fonctions avec courage et détermination, mais font face à des obstacles que le soutien des autres barreaux francophones pourrait permettre de surmonter.
Richard Sédillot
Vice-Président de la Commission des Affaires Européennes et Internationales du Conseil national des barreaux