L’IHEJ a initié et organisé avec l’AFD, Mathias Audit, professeur à la Sorbonne qui est à l’origine d’un projet de recherche sur la création d’une centre de règlement international des différends en matière de dette souveraine, et KfW Bankengruppe la Law, Justice and development week à Washington DC. Le programme s’est articulé autour de quatre thèmes principaux : L’insolvabilité des Etats : une introduction, Typologie des dettes et des créditeurs, La restructuration des dettes souveraines et les litiges, et le projet de création d’un centre financier international pour la sauvegarde des Etats.
Intervenants :
Nicolas Mounier – Chef de la Division juridique, Agence française de développement (AFD)
Mathias Audit – Professeur de droit, Université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne)
Daniel Müller – Associé, Freshfields Brukhaus Deringer LLP
Nils Reichhelm – KfW, Allemagne
Wolfgang Bergthaler – Conseiller principal, Fonds monétaire international (FMI)
Lors d’une conférence organisée en 2010 au Sénat, les questions de l’insolvabilité des États et de la dette souveraine ont été soulevées. A cette période, la dette grecque était déjà au cœur du débat et, six ans plus tard – après de nombreuses restructurations – cela reste le cas. La dette grecque atteint aujourd’hui 160% de son PIB. Les ministres des finances des pays européens se sont mis d’accord pour bloquer les intérêts de la dette grecque – cependant, cet accord ne sera pas suffisant pour faire face à cette situation qui atteint son paroxysme.
La question de l’insolvabilité de l’État pose aujourd’hui un problème à notre économie – et cela peut être illustré par des nombreux exemples. L’Ukraine a fait face à un défaut de paiement et, en 2013, a pu conclure un accord ; le Venezuela – qui été au bord d’une crise de dette souveraine – a conclu un accord avec ses créanciers en octobre dernier ; au Mozambique, des discussions avec les créanciers du pays sont en cours. Enfin, l’Europe pensait assister à une autre crise de dette souveraine en Italie après le référendum. Chacun de ces exemples démontre la place des problèmes de l’insolvabilité des États sur les marchés financiers à l’échelle internationale. Dans ce cadre, deux options s’offrent aux États faisant face à l’insolvabilité : le défaut de paiement ou la restructuration.
La première solution est la moins adaptée. L’Argentine a fait face au défaut de paiement en 2001 et il a fallu quinze ans pour s’accorder sur les conséquences de cette décision. Le défaut de paiement découle de nombreux litiges avec les créanciers de l’État, souvent internationaux, et élimine l’État du système financier international.
Une restructuration de la dette souveraine consiste en échange d’instruments, en allongeant la maturité de la dette pour que celle-ci soit plus pérenne pour les États. Afin d’être possible, une restructuration doit se faire avec l’accord des créanciers. L’État devra faire face à des créanciers souhaitant conserver les instruments initiaux et la résolution du litige se fera devant le juge ou l’arbitre. La restructuration peut être prévue ab initio, en insérant une clause à cet effet dans le contrat original. Cette clause de restructuration peut prendre différentes formes. La clause la plus utilisée est celle de l’action collective (Collective action clause, CAC). Celle-ci autorise une super-majorité de votants à s’accorder sur une restructuration qui sera légalement contraignante. Une telle clause est obligatoire pour les euro-obligations depuis janvier 2016. Cette solution est basée sur les marchés financiers et adopte une approche contractuelle. On peut également retrouver une approche institutionnelle. L’idée générale est alors d’organiser une procédure d’insolvabilité qui serait comparable à celle prévue pour les personnes privées. Un État ne peut alors pas être liquidé mais son insolvabilité peut être organisée sous la supervision d’une institution. Cette approche a été proposé au Fond Monétaire International par l’économiste Anne Kruger, mais fut abandonnée en 2003. D’autres idées similaires sont apparues, provenant d’universitaires ayant fait des propositions de convention internationale ou de règles d’arbitrage en la matière.
Le spectre de l’insolvabilité de l’Etat : Les typologies des dettes et des créanciers
Le marché de la dette souveraine est façonné d’une part par des créanciers publics – tels que la Banque centrale européenne, le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale ou les États – et, d’autre part, par des créanciers privés. Les marchés de la dette peuvent encore être caractérisés par le type de créanciers, d’après sa classification comme étant nationale ou non et, in fine, par devise.
Le FMI dispose de différents types de politiques qui varient selon l’identité du créancier. Depuis une réforme adoptée à la fin des années 80 et ajustée en 1998 et 1999, le FMI peut désormais accorder des prêts aux créanciers privés.
D’autre part, les banques nationales de développement ont certaines particularités. De manière à les distinguer des autres créanciers, trois éléments doivent être pris en compte. Premièrement, ce sont des créanciers publics qui agissent dans le cadre d’une politique d’État. Les banques de développement nationales ne sont pas de simples acteurs du marché ; elles suivent un mandat politique spécial. Il y a un aspect diplomatique dans leur participation qui devrait être pris en compte pour comprendre comment résoudre les problèmes soulevés par les dettes souveraines.
Deuxièmement, les créanciers privés proposent un taux d’intérêt qui varie selon le classement ou le souverain. Les prêts de développement donnent des subventions qui peuvent réduire le taux d’intérêt, créant ainsi un produit financier très différent. Ultimement, les banques de développement nationales n’agissent pas sur le marché obligataire. La logique derrière leur participation est différente de celle des autres créanciers. Ils agissent uniquement avec des crédits classiques qui constituent des accords juridiques bilatéraux. Bien que les banques nationales de développement agissent dans les limites du marché souverain, elles se constituent comme des acteurs spécifiques.
En ce qui concerne la restructuration de la dette souveraine, la gestion d’une agence nationale de développement est régie par la règle du jugement commercial, ce qui signifie que, comme tout autre investisseur privé, elle doit protéger ses propres intérêts. Cependant, une banque de développement dispose de plus d’options à offrir aux débiteurs. Après que les Etats aient discuté les termes au niveau politique, les banques de développement nationales peuvent conclure des accords financiers. Quelquefois, ces banques agissent de leur propre chef et avec leurs propres fonds. Par exemple, la flexibilité de ces banques est illustrée par leur possibilité de conclure des accords de swap de dette. Dans ce spectre, l’ancienne dette est réduite si, d’une part, le débiteur en prend une nouvelle et, d’autre part, il utilise d’autres fonds pour développer un autre projet répondant à certains critères. À titre d’exemple, un pays peut construire des centrales électriques pour répondre aux besoins de son peuple et améliorer son bien-être. In fine, une banque nationale de développement peut soit agir en tant que créancier commercial ordinaire, soit opérer de manière plus flexible.
A mesure que le marché de la dette souveraine se tourne de plus en plus vers les créanciers privés, le fardeau est-il transféré à ces derniers ? Aujourd’hui, étant donné que le secteur privé est impliqué dans le marché de la dette, il devrait également participer aux efforts de sa restructuration. Par ailleurs, il nous reste à savoir de quelle manière il serait possible de déterminer comment le secteur privé devrait participer à cette restructuration. Il existe deux grandes différences entre les banques et le secteur public. Tout d’abord, en ce qui concerne le nombre et la structure du marché bancaire, les banques sont traitées sur le marché secondaire. Deuxièmement, ils n’ont pas besoin de négocier, ou du moins pas de la même manière, et ils ne sont pas traités de la même manière que le secteur public. Les secteurs publics devraient encourager les débiteurs privés à débuter des négociations et à conclure des accords de restructuration.
Par ailleurs, il existe également une différence entre les types d’instruments de créance utilisés par les créanciers privés et publics. Par exemple, l’Agence française de développement n’utilise que des contrats de prêt. Pour certains experts, la différence entre les créanciers publics et privés est plus pertinente que la propre structure du produit financier. De cette manière, la mise en œuvre d’une approche globale – où les instruments ne sont pas divisés par type de projet, mais d’après le type de créanciers – est nécessaire. Cette approche est désignée « l’approche de l’instrument neutre ». En conséquence, en considérant la question de l’insolvabilité de l’État comme étant un problème d’endettement global, et avec un plan global de procédures d’insolvabilité, des solutions plus appropriées peuvent être trouvées. De cette manière, au cours de la procédure, il est ensuite possible séparer les créanciers par des instruments. La seule distinction pertinente est désignée par celui qui possède le crédit. Lors des dernières restructurations, les secteurs public et privé ont été impliqués.
Nous pouvons également noter quelques différences entre les dettes intérieure et extérieure. En ce qui concerne l’efficience, le secteur privé dispose de plus d’avantages sur le public, étant donné qu’il porte moins de considérations à soulever considérant ses politiques. Dans la pratique, le traitement de la dette extérieure est meilleur que celui du secteur privé. Cette dichotomie entre les obligations nationales et étrangères peut être bien illustrée par le cas de la crise de la dette grecque et, ensuite, par sa restructuration de 2012. Au cours de sa restructuration, la Grèce avait adopté une loi nationale avec des mesures rétroactives. En revanche, la situation n’était pas la même pour les détenteurs de la dette extérieure, qui n’ont pas pu se restructurer sur la même base que celle des dettes intérieures. En règle générale, le fonds n’intervient pas dans la restructuration entreprise par le membre lui-même. Le fonds se contente alors d’observer si la restructuration réussit en rendant la dette soutenable.
L’adoption d’une loi qui supprime rétroactivement les protections auxquelles un créancier avait droit, telle qu’elle a été adoptée en Grèce, peut sembler injuste vis-à-vis des créanciers du pays. La loi réduit également la valeur de la créance, lors que les détenteurs de dettes sont liés par la décision de la majorité. Par ailleurs, une autre question pertinente concerne le questionnement sur quels tribunaux seraient disponibles en cas d’une action en justice, le cas échéant. Dans ce sens, il est possible que, de plus en plus, ce type de loi nationale apparaitra, et il serait surprenant qu’elle n’ait pas d’effets sur le pricing des obligations. Le fait que l’incidence sur le pricing n’est pas encore observable corrobore cependant l’idée que les créanciers n’examinent pas les obligations de manière minutieuse avant de les acheter – ce qui soulève des questions sur la diligence raisonnable des créanciers. Par exemple, dans le cas du Mexique, l’introduction des Clauses d’action collective (Collective action clause, CAC) dans ses obligations souveraines en 2003 n’a eu aucun impact sur le pricing de ces dernières.
En ce qui concerne la protection, il est important que l’on considère les détenteurs d’obligations étrangères qui pourraient par la suite mettre en place certains mécanismes juridiques du côté du litige, tels que le différend d’investissement. Les cas de l’Argentine et de la Grèce illustrent cette question. Le vrai problème concernant les cas reste encore celui de l’investissement, qui peut ensuite être jugé ou non. Le cas argentin a impliqué un grand nombre de détenteurs d’obligations italiennes, c’est-à-dire environ 180.000 qui ont été regroupées au travers d’un groupe d’intérêt. Au sujet du cas de la Grèce, le tribunal a clairement établi qu’une caution souveraine ne doit pas être considérée comme un investissement du type habituel en vertu du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI. The International Centre for Settlement of Investment Disputes, ICSID). Cependant, il peut y avoir d’autres types d’instruments à distinguer, tels que les obligations souveraines, qui sont émises de manière à financer des projets. Dans ces conditions, les tribunaux ont considéré que les obligations souveraines peuvent être considérées comme des investissements passibles d’être jugés. Un défaut dans ce dernier cas pourrait avoir des implications différentes que celles concernant le cas d’un défaut sur les obligations pour le financement de la dette des États. Cela pourrait également produire des répercussions sur les règles juridiques applicables et pourrait aussi avoir une incidence sur ce qui se passe en cas de défaut. La simple existence d’un défaut, en tant que tel, ne relève pas de la responsabilité de l’État. En vertu des instruments de placement existants, s’ils se rendent au CIRDI, ils sont considérés en tant qu’investisseurs et non en tant que détenteurs d’obligations.
Restructuration de la dette souveraine et litiges : Pari Passu et autres nouveaux défis à venir
Après le défaut de payement de la part de l’Argentine (100 milliards de dollars), un petit groupe de créanciers (moins de 10%) a réussi à bloquer la restructuration bien qu’elle ait été approuvée par la majorité des créanciers. Grâce à une clause pari passu dans l’accord, la minorité des créanciers a réussi à tout bloquer en passant par un tribunal américain.
Cette décision a secoué l’ensemble du marché de la dette souveraine, car elle signifiait qu’aucune restructuration n’était disponible et que le non-paiement signifierait un défaut automatique. L’impact du litige pari passu ne se limitait pas aux créanciers privés, mais s’inscrivait plutôt dans le marché du prêt et du développement, tel que les banques nationales de développement. Par conséquent, les souverains se sont empressés de supprimer les clauses du pari passu, non seulement en raison de leurs conséquences possibles, mais aussi dû aux principes de ces clauses. Le principe sous-jacent d’une clause pari passu consiste à dire que le débiteur doit traiter tous les créanciers également, en particulier dans les régimes d’insolvabilité. Ainsi, dans le cas échéant d’une perte, chacun doit participer à celle-ci. Le marché a réagi en modifiant cette clause afin d’empêcher son interprétation au sens large, pour éviter la participation générale dans le cas susmentionné. Or, deux autres leçons ont également été tirées de cette affaire. Le litige qui a suivi a ouvert un débat sur les règles et les normes utilisées sur les marchés. Préalablement au cas du litige argentin, cette interprétation de la clause n’était pas considérée, compte tenu que la plupart des experts la concevait comme une clause standard. Les organismes financiers ont soulevé un débat sur les standards de manière à déterminer s’ils étaient adaptées à chaque situation. Le litige a également souligné l’importance des clauses, compte tenu du fait que les acteurs du marché de la dette souveraine avaient pour habitude de superviser des clauses juridictionnelles.
Une décision récente conclue à Francfort a spécifiquement abordé la question de l’interprétation de la clause pari passu. Le tribunal a clairement décidé que l’on peut interpréter une clause pari passu de la même manière que le juge de New York, mais également que cela n’implique pas directement que le créancier possède une revendication contre la banque correspondante. Le juge a statué qu’une banque ne fait ses affaires qu’en capacité « d’intermédiaire », de sorte que le créateur de l’obligation n’a aucune réclamation – soit en matière délictuelle ou de contrat – pour bloquer le transfert d’un paiement. Cette affaire illustre comment la résolution donnée à différentes questions peut varier en fonction de la juridiction. Cette décision pourrait en effet désavantager le choix des tribunaux de New York et du droit new-yorkais dans ce type de contrats.
Dans une autre décision prise au début du siècle à Bruxelles concernant le Pérou, le juge est arrivé à la même décision que celle du juge de New York.
« Retour vers l’avenir » : Construire un Centre international pour la sauvegarde financière des États
Soutenue par deux résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre et décembre 2014, la création d’un cadre juridique international sur la restructuration de la dette souveraine est envisagée. La recherche, débutée en 2013, tient pour but la conception d’un nouveau mécanisme pour résoudre la question de l’insolvabilité de l’État. Une équipe d’avocats a tenté de répondre aux spécificités du marché obligataire, en se concentrant principalement sur les créanciers commerciaux et privés – et non sur le secteur public – de la restructuration.
Ce groupe de travail a produit un projet de convention et un rapport[1]. Les principes directeurs des propositions consistent à promouvoir l’égalité de traitement de tous les créanciers et mettre en avant la durabilité financière des dettes des États. L’objectif est d’encourager les États à se récupérer de manière qu’ils puissent avoir accès au marché de la dette. Le projet de convention proposait également la création d’une organisation internationale dont la structure serait comparable à celle du CIRDI : présence d’un secrétaire général, un conseil, des groupes de conciliateurs et d’arbitres désignés par les États membres et des groupes d’experts. Cette organisation pourrait être accueillie par une organisation internationale préexistante, reflétant le statut du CIRDI – qui fait partie de la Banque mondiale. Par ailleurs, la question reste ouverte quant à l’organisation internationale à laquelle elle peut être rattachée. Les hôtes envisagés à présent sont La Banque des règlements internationaux, la Banque mondiale ou le FMI.
La compétence du Centre international proposé serait limitée aux prêts obligataires à risque de défaut. Par conséquent, lorsqu’un risque de défaut se présente, suivi par une émission d’obligations spécifique, le centre pourrait être utilisé par les créanciers ou par l’État – avec une limite fixée à 10%. Le mécanisme n’est pas destiné à mettre en œuvre les droits contractuels des créanciers, mais plutôt à décider de la restructuration de la dette. Ainsi, le centre ne serait pas une branche judiciaire, mais il disposerait d’un mécanisme avec la capacité de rassembler tous les acteurs pour discuter des options possibles concernant un accord de restructuration. En ce qui concerne ses processus et procédures, trois étapes ont été prévues.
Tout d’abord, une procédure de pré-conciliation, soit la mise en place de tous les mécanismes, réunissant tous les créanciers, et exigeant l’enregistrement des dettes, donnant ainsi l’espace à la création de comités créanciers. Ceux-ci se composeraient d’un maximum de 10% de la valeur nominale agrégée en un seul comité des créanciers. Cette démarche initierait une procédure de conciliation où le conciliateur agirait comme un intermédiaire entre les créanciers et l’État pour gérer le processus. La création de ces comités diminuerait le nombre d’acteurs impliqués dans la conciliation, augmentant ainsi l’efficacité du processus. Pourtant, s’il n’y a pas de majorité, la conciliation échoue et le processus se poursuivra dans le cadre de l’arbitrage. Le groupe d’arbitrage – composé de trois à cinq membres – serait constitué tant par l’État que les créanciers, et il serait chargé de décider, le cas échéant, de la restructuration. Cette procédure pourrait être convaincante pour les créanciers dû à son caractère exécutoire. L’État renoncerait à son immunité d’exécution, ce qui représente un nouveau concept dans le contentieux de la dette. La procédure pourrait également être intéressante pour les États parce que, lorsque les créanciers accepteraient la compétence du centre, aucun autre mécanisme de règlement des différends n’aurait compétence pour trancher la question. L’entrée aurait une juridiction exclusive.
En ce qui concerne la mise en œuvre du plan de restructuration, le secrétaire et l’administration du centre joueront un rôle actif dans la supervision de sa mise en œuvre par l’État à risque de défaut.
La question de l’agrégation des obligations doit être examinée davantage, mais elle peut être traitée au cours de la procédure de restructuration.
Le FMI a approuvé l’approche contractuelle en 2003 – moment où l’approche d’Anne Kruger a été abandonnée – et à nouveau en 2013. Le fonds a une adhésion presque universelle mais ne peut que conseiller les États. La décision appartient ainsi à l’Etat, au débiteur et à ses créanciers de décider quelles clauses sont importantes pour eux. La gestion de la responsabilité, soit l’échange d’instruments anciens par de nouveaux, est également une compétence du fonds. En revanche, pour des raisons économiques, les États n’en ont pas fait bon usage. Une dette d’un trillion de dollars va mûrir dans les quinze prochaines années. Le fonds est essentiellement motivé par ses membres et il suit une approche contractuelle davantage qu’une approche réglementaire. Il est peu probable que le fonds passerait à l’idée sous-jacente de projet du centre de garanties financières, en particulier parce que cela signifierait que les États devraient abandonner une certaine mesure de souveraineté – et 90% de l’émission d’obligations internationales souveraines se produit aux États-Unis et au Royaume-Uni. Sans le soutien de ces deux juridictions, le développement du centre proposé serait fort difficile.
En ce qui concerne les agences nationales de développement, ce qui sera significatif dans le succès de cette proposition c’est comment elle sera perçue par les marchés. De nombreuses propositions ont été examinées et il est clair qu’un tel mécanisme est nécessaire. Par ailleurs, une volonté politique est impérative pour la mise en œuvre de ce type de mécanisme.
Une façon de favoriser cette volonté politique serait d’abord de convaincre les marchés et les créanciers de son mérite. À présent, compte tenu du fait que les États soulèvent des fonds massifs sur les marchés, ils auront tendance à suivre ce que les créanciers veulent.
Le problème pratique le plus difficile concernant ce mécanisme c’est qu’il implique l’abandon, par les États, d’une certaine souveraineté au profit de l’organisation proposée. Toutefois, ce mécanisme pourrait permettre de limiter les problèmes autrefois rencontrés avec les créanciers en difficulté et également de mettre en œuvre une procédure plus structurée. En créant plus de certitude et de prévisibilité, le centre pourrait également être attrayant pour les créanciers privés. Les pays débiteurs seraient alors en meilleure position pour restructurer efficacement leurs dettes, de manière à éviter la reproduction de ce qui s’est passé en Argentine – voire, son exclusion du marché pendant plusieurs années. Cette structure pourrait également permettre aux États d’augmenter leur dette – pourtant, serait-il envisageable qu’on soutienne une possibilité pareille ? Si la dette souveraine augmente de manière insoutenable, nous aurons, tôt ou tard, de nouveaux défauts de paiement. Plus la dette est grande, plus les problèmes à venir sont grands.
[1] Disponible au : <http://icefss-cisfe.org/wp-content/uploads/2016/02/CEDIN-Project-for-State-insolvency.pdf>.